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L'amour en chanson

Air monocorde pour cordes sensibles

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Entre le chant d’amour et la musique sénégalaise dans sa diversité, c’est bien plus une histoire d’opportunité commerciale qu’une affaire de cœur. L’effet de mode est avoué à mots très clairs par les uns et les autres. Le chant d’amour est même revendiqué par ses… amoureux. Dans l’immense répertoire de Youssou Ndour, il existe des perles sentimentales en polyphonies et en nombre. Traverser de part en part l’œuvre de cet artiste donne à la thématique la place de sous-répertoire dans le grand livre de ses compositions. Et ce 14 juillet, You se paie le luxe de chanter sur le ton sentimental pour un public en tête-à-tête amoureux, fourchette à la main, se nourrissant autant de bons mots que de bons morceaux d’un chef cuisnier. Le sentiment, c’est une cuisine qui fait recette chez Alioune Mbaye Nder, de « Leneen » à son dernier opus « La maladie d’amour », une reprise de Michel Sardou.

De Pape Diouf à Wally Seck, la relève répond, elle aussi, à la demande sentimentale. Les demoiselles et dames ont aussi un cœur pour apaiser les âmes tourmentées par la solitude ou égayées par la plénitude d’une vie à deux réussie. Les derniers succès de Viviane, Titi, Aïda Samb et Coumba Gawlo sont estampillés « love ». Dans le même opus, Tit nous sert « Jigeen feem », « Gën gui dëk », « boul ma fiiré ». Viviane propose « Rétane » et « Jangal ma » après avoir mis sur le marché, et d’un seul jet, « Waaw », « C’est une histoire d’amour » et «Fima tollu » L’âme seule se rebiffe en Coumba Gawlo pour lancer un défi aux potentielles âmes soeurs : « Kouy feug ? » Un fait nouveau ? Non. Dans les années 80, Youssou Ndour avait produit « Salimata », « Fénène », « Ay coono la », « Mbeugel », etc.

Dans cette pépinière aux amours enflammées, il y a des épines et de belles fleurs. Les épines sont les chants monocordes mettant en scène, dans une représentation artistique approximative, le soupirant ravalé au rang de vaurien, le fauché rétrogradé à la bourse des valeurs sentimentales, l’âme sœur se félicitant d’avoir rencontré le Prince charmant ou encore le chevalier servant tombant le masque de gueux. L’écriture est, très souvent, d’une platitude monotone. Heureusement, des reliefs se dressent, comme des chefs d’œuvre. « Jëleti » est une merveille de complainte de Souleymane Faye en écho à la solitude et dans la célébration du beau souvenir. L’esthétique de l’absence permet à la voix du chanteur de voyager dans les instants de bonheur, avec des notes de nostalgie. La boucle est cet accent philosophique qui place la volonté de l’homme en dessous du décret divin.

L’amour en vrai et en chanson est également une ligne prestigieuse dans la discographie sénégalaise. Omar Pène a rendu deux somptueux hommages à sa « Banna » dans un titre éponyme puis dans un titre au nom évocateur « Lamp », représentation de sa compagne sur les chemins de la vie, sa « Lumière ». Récemment, « Diaga » est le piédestal, en musique, sur lequel Thione Seck installe sa dame Fatou Kiné Diouf. Iso Lô a sa « Fa Diallo » en acoustique à ses débuts. Puis, à l’âge de la grande maturité musicale, le Bob Dylan sénégalais célèbre la maîtresse de maison si dévouée dans « Madame », une belle ballade dans l’album « Dabakh ». Le printemps des amoureux est une saison sans bout comme le suggère « Beug dou bagne » de Youssou Ndour, un hymne également à un célèbre couple d’amis.

Le thème de l’amour n’est pas qu’un bouche-trou dans des singles tournant autour de la confession, de l’être aimé, du bienfaiteur et de la maman. N’empêche, nous sommes très loin d’une pièce immortelle comme le poème « Fatou Gaye », l’expression du désarroi d’un veuf après le passage dans l’au-delà de sa dame. Alors, tout autre jour de bonheur n’est-il pas un 14 février ?

 

Habib Demba FALL

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